Le Réveil des initiés – Chapitre 1 – La franc-maçonnerie, les deux Jean.

La franc-maçonnerie, les deux Jean.

Chapitre I

Jean Bonnefoy a rencontré la franc-maçonnerie il y a plus de trois décennies.

A cette époque, ses connaissances livresques, ses études personnelles n’arrivaient plus à le satisfaire.

Il pressentait que seul il ne pouvait rien, et qu’il vivait une étape de sa vie où il devait faire un saut. Mais quel type de saut, un saut dans l’inconnu ? Certes, mais avec un objectif. Celui d’aller plus loin dans la compréhension du monde. Il acquit la certitude d’être au maximum de ses moyens solitaires et qu’il n’irait guère plus loin. Qu’il devait rencontrer son maître, ou tout du moins, l’homme qui le mettra en selle vers sa destination finale.

Il avait alors la trentaine et se sentait mûr pour être aidé, mûr pour accepter l’aide d’autrui et surtout mûr pour la recevoir…

Ce soir, comme tous les troisième et cinquième lundis de chaque mois, excepté juillet et août, et ce depuis trois décennies, il organisait comme toujours sa vie profane de chef d’entreprise autour de cette fenêtre ouverte sur le monde sacré et le temps sacré de la franc-maçonnerie.

Jean se rappelle parfaitement le programme de la soirée et le point d’orgue est l’élévation au sublime grade de Maître du frère compagnon JC.

‘JC’, il le connaissait bien ce compagnon : Jean Chevalier Un jeune, très intéressant, avec qui il partageait son prénom et entretenait des liens d’amitié très forts.

En Maçonnerie, nous sommes tous frères mais il y a toujours des affinités plus profondes.

Bonnefoy considérait Chevalier en quelque sorte comme son fils spirituel.

Il jubilait d’assister à l’élévation de son ami. Une fois à ce grade, il pourra faire sauter certains freins et verrous à leurs discussions. Jamais on ne divulgue un secret à un frère qui n’a pas atteint le grade concerné. L’harmonie qu’il allait vivre ce soir est unique, et personnelle.

Dans le monde initiatique, la vie ne s’écoulait pas de la même manière que dans le monde de tous les jours. Il rejoignait un groupe en parfaite symbiose avec ses objectifs : le travail sur soi, l’amélioration de soi et par ricochet, l’amélioration du groupe et enfin l’amélioration de l’humanité, vaste programme.

Ce principe permettait d’associer dans la même démarche de perfection des chrétiens, des musulmans, des juifs, des animistes, il pouvait être incarné par la nature elle-même, quoi que plus rarement. L’ensemble de ses frères pratiquait  peu, mais croyait tous.

Il regrettait qu’ils fussent pour la plupart non mystiques. Le principe réincarnationniste auquel il adhérait,  ne rimait pas avec franc-maçonnerie. Les enfants de la veuve, comme ils avaient coutume de s’appeler, vivaient et travaillaient dans l’ici et maintenant, sans se poser de question sur un éventuel karma ou plan de vie.

Jean savait que sacraliser ou désacraliser la notion de croyance en Dieu, ne rimait à rien. Que l’on croit ou non à cette notion. Que l’on soit catholique avec l’idée de paradis, d’enfer, de purgatoire, de fin des temps. Que l’on soit musulman entouré de vierges, ou franc-maçon. Il faut vivre, avec la pleine et entière responsabilité de ses actes, dans l’immédiateté.

Ce n’est pas la peur de Dieu qui doit guider nos pas, l’important c’est de prendre des décisions qui vous semblent justes, ce n’est pas forcément la justesse de la décision qui importe. Quand il y a adéquation entre les deux, bien évidemment, c’est nettement mieux.

Ce soir après cette tenue, il allait se coucher moins bête qu’il ne s’était levé. Ce monde sacré conjuguait le verbe être plutôt que le verbe avoir, et une fois de retour dans le monde de l’avoir, il devenait plus facile d’exister véritablement. Il y a des différences fondamentales entre un initié et un non initié, et celles-ci sont difficilement quantifiables, plutôt que de longues exégèses on pourrait simplement dire que  la différence entre un initié et un non initié, c’est que l’initié, lorsqu’il agit mal, le sait !

Il arrive enfin, et cherche une place de stationnement. Il est temps. Il jette un œil furtif à l’horloge digitale de sa voiture : 19h37. Jean commence sa manœuvre quand le carillon de la radio retentit, annonçant un événement de la plus haute importance. Il monte le son.

« Nous interrompons nos programmes pour un flash spécial. Nous venons d’apprendre qu’un attentat a frappé la gare Montparnasse ; jusque-là épargnée, la France paie aujourd’hui un lourd tribut au terrorisme islamique.  L’attentat qui a eu lieu cet après-midi dans la gare parisienne, en pleine heure de pointe,  a fait de nombreuses victimes. Le bilan provisoire fait état de 247 tués et d’un  millier de blessés. Cet attentat de grande ampleur est le premier qui touche la France. A cette heure nous n’en savons pas plus, nous reprendrons l’antenne dès que d’autres informations nous parviendront ».

Un coup de klaxon rageur ramène Jean à la réalité de l’automobiliste qui trouve son créneau beaucoup trop long.

Il se gare enfin et coupe son moteur.

Il sent que cette nouvelle est désastreuse, mais son costume sombre file déjà d’un pas rapide, dans les rues de Paris,  pour s’engouffrer dans un immeuble discret.

A propos Bruno Le Guen

Romancier et novelliste, j’aime associer le réel à l’imaginaire, le scientifique à la métaphysique, l’exotérisme à l’ésotérisme et par raccourci, le déisme à l’agnosticisme. Mes héros entrainent le lecteur dans des aventures où ils ont la possibilité d’évoluer ensemble. J’utilise des arcanes aux facettes initiatiques, psychanalytiques, pour faire passer des messages dans l’action et le mouvement. Mon style est souvent décrit comme filmique, des textes qui créent une imagerie mentale au fur et à mesure des scènes et des sentiments. Bonne lecture.
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