Tiré du recueil de nouvelles « une autre façon d’aborder l’étrange »
par Bruno Le Guen (2007)
Feuilleton épisode 1 / 3
Le rêveur.
Première partie.
Jean.
Les portes claquèrent, au réel comme au figuré, le regard de Myriam n’avait plus rien à voir avec celui de l’amour. Etait-ce l’usure du temps ? Comment une pareille métamorphose était-elle possible en l’espace de 17 ans. Jean se souvenait, fuyant le présent, se réfugiant dans le passé, tout en ne croyant plus à l’avenir. Il se souvenait, il avait rencontré sa femme sur Internet …
Ce matin au bureau, le mail qui clignotait sur son écran plat, le mettait de très bonne humeur. Elle avait répondu, cette Tatiana qui s’appelait en réalité Myriam et qui dialoguait avec lui depuis au moins une dizaine de jours sur un site de rencontre pour célibataires. Ce contact égayait sa nouvelle vie de célibat. Il venait récemment de rompre et repartait à la ‘chasse’. Un sport qu’il pratiquait régulièrement tous les quatre ans. Ces unions butaient immanquablement sur cette barrière temporelle. La tristesse de la rupture lui faisait perdre plusieurs kilos et son obstination l’orientait vers son poids mythique de 82 kg pour 1 mètre 82. Le temps du laisser aller se terminait et la quête de l’amour justifiait cet effort, une balance digitale lui servait quotidiennement d’arbitre.
ait répondu oui, et ils allaient se rencontrer ce soir au bar du marché à Versailles.
Une fois les signes distinctifs repérés et profitant de son anonymat, il dévisagea, rapidement, la jeune femme. Son aspect extérieur avantageux déclencha le feu vert de la rencontre.
- Bonjour … Vous êtes … Vous êtes Myriam ?
- Et vous Jean, je présume ?
- Oui Répondit-il bêtement.
Il s’assit en face d’elle, sûr de lui, la conversation démarra. Au bout d’une heure ils se connaissaient par cœur mais sans le cœur.
- Divorcé, divorcé.
- Un enfant, un enfant.
- Un chien, pas de chien, mais oh ! Qu’il est mignon sur la photo le petit chien gentil.
- Bac+2, bac+2.
- Fonctionnaire ? Personne !
- Chef d’entreprise, cadre commercial.
- Cinéma ? On s’en moque.
- Croire en Dieu, oui et en plus le même.
- La nature, oui, j’adore, mais sans les serpents, les araignées, les bêtes diverses, les herbes, les ronces, la boue et la terre, mais la nature bien sûr.
- L’ordre, oui je ne peux vivre sans lui mais avec la concession de la chaussette qui traîne. La première rencontre se fait toujours sous l’égide de la ‘sainte concession’. Par la suite, bien souvent cela se gâte.
Et le sexe dans tout cela où est-il ? Il est sous entendu, le papa même de la concession. Il est comme Dieu, omniprésent (présence constante en tout lieu), omnipotent (dont l’autorité est absolue, tout puissant), omniscient (qui sait tout ou paraît tout savoir). Il n’y a pas que l’argent qui est le nerf de la guerre, là, il s’agit d’Amour et que d’amour.
- Je peux te poser une question indiscrète ?
- Oui dit-il, si tu le souhaites.
- Cela fait combien de temps que tu n’as pas fait l’amour ?
- Il me faut un moment de réflexion … Humm … cela doit bien faire au moins 20 heures.
- 20 HEURES ! mais… mais …
- Attends, tu ne penses quand même pas que je suis un moine. J’ai 31 ans. J’ai du faire plus de 2000 fois l’amour depuis que mon père et ma mère l’ont fait pour moi. C’est bien les femmes cela. Je suppose que l’abstinence te concernant est beaucoup plus longue mais ce n’est pas un critère. A nos âges le temps passe de plus en plus vite et avoir ce type de conception est un gâchis. Suppose … le dernier verre … chez toi … on passe la nuit ensemble et alors. Dans le meilleur des cas tu diras à tes copines que tu as passé une nuit d’enfer avec un mec qui t’a fait grimper au mur toute la nuit, dans le pire, tu leur diras que tu t’es faite sauter par un nul, qui soit, n’a pas pu bander ou qui est parti en deux secondes dans les rideaux. Avec toutes les phases intermédiaires où, logiquement je devrais me situer. La belle affaire. Car ce qu’il y a d’important n’est pas cette nuit, mais le fait de savoir si l’on veut la renouveler encore et encore, année après année.
- En résumé je dois me faire sauter ce soir.
- Ce soir, ne précipitons rien, tu pourrais me faire peur, tu sais un homme c’est fragile. Mais la prochaine ou l’autre prochaine, il faudra bien. Le sexe c’est la porte d’entrée des adultes de nos âges. Et plus nous sommes adultes et moins nous n’avons de temps à perdre. Finalement tu as peut-être raison, pourquoi pas ce soir.
Voilà comment cette idylle avait débuté et maintenant ils avaient deux enfants, tous les deux en colonies de vacances.
Mais dix sept années plus tard, le regard de Myriam ne reflétait plus les mêmes sentiments.
- T’es vraiment qu’un pauvre con.
L’insulte cinglante, brève, dépouillée et erronée le ramena à la dure réalité d’un couple finissant. D’autres propos tous aussi acerbes fusaient bruyamment autour de lui mais il ne les entendait plus. Il connaissait hélas la chanson, parce qu’il avait brisé le bouchon du carafon de grand mère, renversé le sel, zappé le rendez-vous chez le coiffeur, oublié l’anniversaire de la connexion Internet… L’usure… il n’avait plus la même fougue pour faire des concessions. Ce soir, la crise était spécialement violente, une collègue de bureau avait eu la mauvaise idée de l’appeler chez lui, il n’y avait rien entre elle et lui, juste un jeu, une connivence, un peu d’air frais, mais rien de plus. Cette simple joie de vivre mit le feu au chapitre de la jalousie, et ce feu là ne s’éteignait pas facilement.
La soirée se termina par une chambre à part, lui dans l’officiel et elle dans la chambre d’amis, une chambre d’amis qui n’en voyait guère.
Le sommeil l’ignorait savamment mais petit à petit la fatigue gomma ce mal être. Elle emporta la mise et l’entraîna dans le royaume de Morphée. Entre deux eaux, entre deux mondes.
« Il sentit alors un corps chaud, souple, s’incrustant contre le sien. Il se réveilla et croisa le regard de Miriam, il n’eut pas le temps de s’interroger car sa langue força ses lèvres, goulûment, à lui couper le souffle. Son ventre s’enflamma instantanément, la jeune femme le plaqua sur le dos et s’empala sur lui, sonnant le départ d’une réconciliation inattendue. Tant dans le fond que dans la forme. Il y avait bien longtemps que l’intensité avait fui leurs rapports conjugaux. »
6h45 le réveil sonna, encore ensommeillé, il l’éteignit de sa main gauche tout en laissant sa main droite tâtonner l’autre partie du lit, le froid des draps finit par le réveiller. Il ouvrit les yeux, seul, il était seul dans le lit. La réconciliation, l’amour, un simple rêve. Sa tête retomba sur l’oreiller, dépitée. Myriam dormait ou faisait semblant de dormir, porte close dans la chambre d’amis. Il se lava sans bruit et s’habilla rapidement. Il ne souhaitait pas longer les murs, éviter les regards, son rêve intense restait présent dans son âme et son corps. Il ferma la porte au moment précis où celle du bout du couloir frémissait, une minute plus tard la voiture quittait le village. Il pensait avoir évité le pire, mais il ne le savait pas encore, le pire était à venir.
Tout à ses déboires conjugaux, Jean ne s’était pas aperçu que son monde professionnel se dégradait. Son manque d’attention et de zèle détériorait ce qu’il pensait être un havre de tranquillité en comparaison avec ses soirées mouvementées. Sa collègue et amie l’avait snobé sans pour autant le perturber. La matinée se passe à son insu, le midi il resta seul, personne ne se proposant pour déjeuner avec lui.
Un livreur frappa à la porte.
- Bonjour, j’ai un colis pour vous.
- C’est bien mais le service réception est parti déjeuner, il va falloir attendre 14h00.
- Oh non ! ne me faites pas cela.
- Je suis désolé je n’ai pas l’autorité pour signer.
Très exceptionnellement, c’était un livreur au féminin, d’habitude la masculinité des intervenants le laissait froid, mais là devant la moue déconfite et charmeuse, il se rua sur le tampon et valida sans même regarder le colis…
- Jean, Monsieur le directeur te demande
- Oui j’y vais
Il frappa et entra dans le saint des saints.
- bonjour Monsieur le directeur, lança-t-il
Il n’eut pas immédiatement de réponse à son bonjour, d’ailleurs il n’en eut pas du tout. Le directeur, la mine sombre, tenait dans sa main droite un reçu de livraison, Jean pâlit.
- C’est votre signature
- Oui
- Je ne comprends pas
- C’est qu’elle était … elle était … Jean lui expliqua la situation.
- Je comprends vos motivations.
- Merci
- Ce que je ne comprends pas c’est que la livraison attendue consistait en un serveur et un écran plat vingt et un pouces tactile. Où est-il ?
Jean ne répondit pas, et oui que répondre ? Qu’il ne disposait pas de toute sa tête, que rien ne tournait rond. Evidemment, en temps normal, l’absence de l’écran noté sur le bon ne serait pas passé inaperçue. Il ne travaillait pas bien, mais là…
- Notre fournisseur affirme qu’ils ont livré l’écran, je ne sais quoi décider mis à part de le payer deux fois. Quittez ce bureau s’il vous plait.
Il s’exécuta et dût traverser la salle commune devant de nombreuses paires d’yeux. Au bon milieu de sa ridicule traversée, la voix du directeur s’éleva et le jugement tomba.
- Jean quand on est rien on ne fait rien !
Cela dépassait le stade du ridicule, il se sentait mentalement détruit, discrédité devant tous ses collègues. La journée s’éternisa pour se terminer dans la confusion et le désarroi.
Jean venait de passer le pas de la porte et fut fauché de plein fouet par l’agressivité du contexte familial. Blessé, trahi, meurtri, il réagit violemment et une nouvelle nuit de solitude, dans la chambre conjugale, s’annonçait. Une fois seul dans son lit, Myriam dans la chambre d’amis, le trop plein d’émotion le terrassa, il sombra dans le sommeil où l’attendait l’emprise des rêves.
- Bonjour Jean, lui assena son directeur avec un sourire scotché sur son visage.
- Bonjour Monsieur le Directeur, répondit il
- Nous sommes seuls dans mon bureau et dans ces circonstances vous pouvez m’appelé Marc.
- Bonjour Marc, répondit il, Jean, vous êtes mon meilleur vendeur, Barthélemy a validé sa commande par un chèque d’acompte de 20%, félicitations, là vraiment chapeau bas. Je pensais que ce dossier n’aboutirait pas et vous l’avez récupéré de main de Maître.
- Ah …
- Bien sûr, votre taux de commission passera à 7%, dès la prochaine affaire. Je vous confie le dossier Luxor, tenez. Vous pouvez aller l’étudier chez vous cet après-midi, où demain comme vous voulez. Peu importe le flacon … comme disait …
- Alfred de Musset
- Oui, oui tout à fait c’est lui … Allez bon courage…
Il quitta le bureau de la direction, le dossier Bleu ciel sous le bras. Ici tout le monde savait que le bleu ciel colorait les affaires de la plus haute importance, accompagnées d’un nombre de zéro impressionnant. La secrétaire en poste à la photocopieuse le couva du regard, il lui sourit mécaniquement, ce qui la mit au bord de la pâmoison.
« Il quitta la société et se dirigea vers son domicile et entra volontairement sans bruit en jouant de cette heure inhabituelle. Des clapotis dans la salle de bain, Miriam estomaquée de le voir parader avec son dossier bleu ciel l’attira vers elle et le fit basculer dans la baignoire, tout habillé. Les ébats qui s’en suivirent s’inscriront au Panthéon des bizarreries d’un couple sur la même longueur d’onde. »
Le réveil de son téléphone interrompit sa nuit et son rêve érotique. Il se réveilla dans tous ses états, se souvenant parfaitement et intimement de son rêve. Il mit un certain temps à comprendre qu’il devait se lever, éviter de croiser Myriam dans le couloir et affronter les railleries de la secrétaire au bureau. Sa langue devint plus pâteuse que d’habitude. Terrorisé, il ne bougea pas et s’assoupit.
« La Miriam de ses rêves ressuscita, la scène irréelle et intensément excitante se poursuivit… »
La sonnerie du téléphone se réactiva et sonna à nouveau.
- Alors explosa Myriam, qu’est ce que tu fais, bouge tes fesses gros
Jean se leva plus pour fuir autre chose, son rêve inscrit au fer rouge dans son cerveau, il quitta la maison sous les invectives, son sexe bêtement en érection.
Il conduisit comme un automate et faillit provoquer plusieurs accidents. Dans un accès de lucidité, il s’arrêta sur le bord de la route et coupa son moteur. La vie autour de lui s’activait, une jeune femme poussant un landau, deux amoureux se promenant main dans la main, un homme en costume noir et attaché-case aux pas rapides et décidés, une contractuelle lorgnant avec insistance sa voiture. La vie quoi … Il se sentait pris entre deux mondes mais décida d’affronter le monde réel, celui de sa vie professionnelle. Son moteur vrombit au moment précis où une femme sortait un carnet à souche de sa poche.
9h, il entra dans sa société, ni en avance, ni en retard, la tension était palpable. Son Directeur se dirigea directement sur lui, Jean blêmit.
- Bonjour Jean
- Bonjour Monsieur le Directeur
- Oui Jean, j’ai été un peu trop dur avec vous hier. Veuillez m’en excuser, mais vous l’avez vraiment cherché. En finalité notre four-nisseur a accepté de reconnaître son erreur de livraison et l’écran arrivera ce matin.
Il lui tendit une main que Jean serra.
- Bon, maintenant au travail tout le monde.
La journée se passa sans esclandre. Un ronron soporifique, apaisant et surprenant en pensant au contexte de la journée d’hier. 18h il quitta le bureau, ni trop tôt, ni trop tard et reprit la direction de son domicile à la manière de quelqu’un qui rentre à reculons. Il respectait les limitations de vitesse et voire, roulait en dessous, s’arrêtant au feu orange et prenait son temps au feu vert. Tout ce qui l’énervait en temps normal venant des autres. Les klaxons des hommes pressés de retrouver leurs femmes glissaient sur ses oreilles bouchées par un calme de pacotille. Il finit malgré tout par arriver chez lui.
Myriam l’attendait.
- Jean, notre comportement est par trop idiot, nous n’agissons pas en adultes.
Il ne se rappela plus ce qu’il répondit tant la surprise fut intense et de fil en aiguille la soirée se mit à ressembler à une pièce de théâtre. Les minutes s’égrenèrent inexorablement. Ils se couchèrent et firent l’amour, Myriam avait l’air d’être heureuse, simulation ou réalité, il ne le savait pas. Quand elle s’endormit la tête au creux de son épaule, il comprit enfin et la rejoignit dans le sommeil.
Un matin une paire d’yeux étonnés et concentrés fixaient une voiture en stationnement douteux, et une main se préparait à dégainer le carnet à souche, car le cerveau qui se nichait sous la casquette pensait sérieusement à de la provocation.
Jean, moteur arrêté, ne s’apercevait pas du risque qu’il courait devant la contractuelle, car il pensait.
Cela faisait plusieurs jours que la crise était passée et depuis, l’intensité inégalée de ses nuits avait disparu. Il rêvait à des journées professionnelles d’une redoutable banalité et la Miriam de ses rêves était devenue insipide.
Le crissement de l’amende sur son essuie glace le sortit de sa torpeur méditative. Il ne put s’empêcher de lâcher un juron bien senti, Il mit le contact et démarra. Il venait de prendre une décision venue d’on ne sait où mais qui allait bousculer sa vie, je vais tirer le diable par la queue.
Sa journée au bureau fut un véritable cauchemar et ce de son propre fait car il fit tout pour que cela se passe le plus mal possible.
- Bonjour Jean fit le directeur.
Aucune réponse, il fila vers son bureau et s’affaira sans prêter attention à personne. Il se connecta au travers du réseau sur le serveur de dossier et supprima volontairement le dossier des contrats et vida sa corbeille informatique, puis attendit.
Très rapidement le plateau entra en effervescence. Le dossier des contrats avait disparu, une réunion collégiale s’ensuivit.
- Quelqu’un a t-il travaillé sur le dossier des contrats ce matin ?
Silence, Jean prit la parole :
- Moi, j’ai copié par erreur ce dossier sur mon disque dur, mais je l’ai effacé en m’apercevant que je m’étais trompé de dossier.
- Copié ? Mais depuis il a disparu du serveur.
- J’ai peut-être fait une mauvaise manipulation.
- Mais j’hallucine, le dossier des contrats.
Il demanda immédiatement à l’informaticien de le remettre en place et fusilla Jean d’un regard noir à peine maîtrisé. Cela faisait bien une bonne heure que tout le monde perdait son temps. Cinq minutes plus tard l’informaticien livide revint.
- Monsieur sa corbeille est vide
– Et alors ?
- Quand sous Windows vous supprimez un fichier et que vous videz votre corbeille, le fichier ne peut plus être restauré. Et là, toutes les conneries ont été faites en même temps, c’est plutôt rare.
- Que faire alors ?
- Repartir de la sauvegarde de la veille, ou appeler la société qui externalise pour vous vos sauvegardes. Tout rentrera dans l’ordre mais il me faut un peu de temps, et cela va générer des frais.
Effectivement, en début d’après midi le problème fut résolu, les lumières brillèrent plus tard que d’habitude, les collègues de travail rattrapaient le temps perdu, Jean lui, quitta à 17 H 50, en avance. Ce qui finit d’aiguiser les animosités. Il avait atteint la première partie de son objectif, passer une journée professionnelle exécrable. A Myriam maintenant, se dit-il les yeux obscurcis par une ombre malsaine.
Tandis que sa voiture s’éloignait, dans un des bureaux encore éclairé une secrétaire tapait sa lettre recommandée.
- Bonjour chéri, tu rentres plus tôt aujourd’hui, il y a un souci ?
- Oui mais cela ne servirait à rien de te l’expliquer, tu ne comprendrais rien de toutes manières, d’ailleurs tu n’as jamais rien compris au monde du travail. J’ai hâte que nos deux enfants reviennent de colonie de vacances, là au moins tu serviras à quelque chose …hier soir au lit, j’ai trouvé moyen ta simulation sexuelle de réconciliation.
Jean passa deux heures à cracher du venin et Myriam entra dans l’engrenage de la colère. Jamais relation n’avait été aussi déplorable et comme prévu, chacun coucha dans sa chambre. Une fois seul, il fit le vide et implora le sommeil.
- « Mon amour, te voilà enfin, elle sauta dans ses bras avec fougue. Sous le choc sa mallette tomba et s’ouvrit, déversant un flot de dossiers. Le temps passe tellement lentement quand tu n’es pas là, dit-elle pour s’excuser
Comment lui en tenir grief pensa t-il en remettant de l’ordre dans ses papiers. En plus le jour où son Directeur lui avait confié la responsabilité du service. Elle explosa de joie en apprenant la nouvelle. Une carte en provenance des enfants finissait de colorer la journée, des bougies illuminaient la table déjà dressée et un parfum insoutenable le faisait saliver.
- J’ai une faim de loup, rugit il.
- Alors viens à table répondit elle en soulevant sa jupe, affichant ostensiblement l’absence chronique de petite culotte. »
Jean se réveilla de très bonne humeur, sa double vie onirique le comblait. Maintenant il en avait la preuve, sans savoir pourquoi, et par quel stratagème, ses rêves se déroulaient à l’inverse de la réalité. Alors pourquoi se poser des questions, il lui suffisait de dormir et dormir encore pour trouver le bonheur. Au diable le reste.
Il croisa les yeux cernés de Myriam, dehors il pleuvait. La noirceur poisseuse de la nuit résistait, annonciatrice d’une mauvaise journée. Il pensa à Miriam et sourit, à celle qui attend son retour, la muse de son sommeil. Il quitta le domicile sans un mot et alla acheter des calmants à la pharmacie voisine, bien vite de retour, il téléphona à son bureau pour dire qu’il ne souhaitait pas venir travailler aujourd’hui. Comment cela ‘souhaiter ?’ répondit une voix Il raccrocha et prit le temps d’agresser sa femme avant d’avaler un somnifère et d’aller se coucher.
- « Bonjour mon amour, tu rentres de bonne heure aujourd’hui
- Oui et à compter d’aujourd’hui cela sera comme cela
- Génial, je respire beaucoup mieux quand tu es là. »